L’hydrodynamique influence progressivement les dessins des coques. Les premiers essais en bassin de carène datent de 1874. En sortira notamment une loi selon laquelle toute partie immergée crée des frottements !… Les premiers règlements de jauge prendront en compte le frein que représentent les parties immergées et le moteur qu’est la voilure.
Herreshoff dessine le premier catamaran de plaisance cette même année 1874.
D’empirique la construction devient plus scientifique. Le modeller, héritier des traditions ancestrales qui travaille la demi-coque qui vaudra plan avec pour seuls outils rabot, ciseau et râpe, est progressivement remplacé par le designer à l’approche plus scientifique. En 1876 Dixon Kemp publie un ouvrage consacré à l’architecture navale : « Un traité sur l’application pratique des principes scientifiques sur lesquels est basé l’art de la conception des yachts » qui remet en cause les idées reçues qui gouvernaient le monde très traditionnaliste de la navigation et leur oppose des principes à la rigueur scientifique. Depuis 1874 l’idée d’un lest placé en bas de quille avait été évoquée mais une masse placée aussi bas ne pouvait conduire qu’à un bateau qui roule beaucoup… Le lest extérieur apparait en 1876.
1876 c’est l’année de la construction du cotre de Jules Verne auquel il donne le nom de Saint Michel II, plan et construction français. Une remarquable réplique de ce cotre a été construite à Nantes en 2011. L’architecte naval pornichétin François Vivier en a finalisé les plans. C’est avec beaucoup de plaisir que nous croisons au large de la Grande Côte, ou dans d’autres eaux, cet élégant témoignage de la voile ancienne.
Réplique de Saint Michel II
Longtemps la flotte des yachts français reste dominée par l’Angleterre. Les yachtsmen français prennent l’habitude d’arpenter les pontons des ports anglais pour choisir leurs voiliers. Buy but not build est un principe couramment appliqué : acheter un bateau qui a fait ses preuves plutôt que de se lancer dans l’aventure de l’inconnu de la construction. Dans ces conditions ils achètent leurs bateaux moins chers et dans une offre beaucoup plus large. Ce n’est pas de nature à favoriser l’émergence d’une profession d’architectes et l’implantation de chantiers en France.
Une tendance à l’inversion se dessine à partir de 1882 pour les petits yachts français qui, bien menés, commencent à s’imposer en régates.
Dans les colonnes du journal Le Yacht l’idée de prix de régate réservé aux yachts français, conçus et construits en France et menés par des équipages français, voit le jour. Ces prix seront effectivement organisés par certaines sociétés de régates et encouragés, abondés, par le Yacht Club de France.
Les flottes des voiliers « cruisers » dessinés pour la mer comme « racers » conçus pour la seule vitesse s’affrontent régulièrement lors des nombreuses régates organisées devant les ports de nos côtes ainsi qu’au large. Les architectes et chantiers français se font progressivement une place.
En 1885, 35 constructeurs de yachts sont recensés le long des côtes françaises.
L’allègement des coques dont la taille ne cesse de croître passe par des structures composites bois-acier. Membrures et varangues sont souvent réalisées en fer avec la contrepartie d’une oxydation qui risque de réduire la durée de vie du voilier. La découverte de l’aluminium autorise tous les espoirs d’une diminution de poids. Il est utilisé pour la première fois en France en 1893 pour la coque de Vendenesse, 17 mètres
Le plan anglais de Black Joke le cotre de 1891 qui vient de rejoindre le quai du Pouliguen, avec sa largeur de 2,2 mètres pour une coque de 8,05 mètres et un tirant d’eau de 1,4 mètre témoigne d’un compromis adopté pour les cutters.
A la fin du 19ème siècle la liste des Français talentueux qui se sont fait une place remarquée dans l’architecture navale est consistante : citons pour mémoire quelques noms parmi les plus anciens : A.Godinet, J.Guédon, L. Moissenet, Gustave Caillebotte, H.E. Fouché, fondateur de l’important chantier naval éponyme de Nantes, Talma Bertrand installé à Paimboeuf, Maurice Chevreux et son Mouquette dont le lest en plomb représentait les 7/10èmes du poids du bateau, A Godinet, H Giudicelli, Joseph Guédon.
La navigation de plaisance à la voile n’est pas réservée à des privilégiés. A côté de leurs grands yachts naviguent des bateaux modestes qui s’affrontent souvent en régate avec les bateaux de pêche. Les premières régates sont effectivement ouvertes à ces derniers. Il arrive que leur vitesse surprenne les yachtsmen. Leurs coques sont pourvues d’une bonne voilure dans le but d’arriver en tête à quai et ainsi vendre plus cher le fruit de la journée de travail.